Position de la FIM sur le projet de restriction des PFAS
Les industries mécaniques sont pleinement mobilisées en faveur de la réduction des incidences de leurs activités sur l’environnement et déploient des efforts continus pour adapter leurs pratiques et modèles économiques aux évolutions réglementaires ainsi que technologiques. Cette volonté s’illustre notamment par la recherche de substitution des substances chimiques dangereuses et la maîtrise des risques que présentent celles pour lesquelles aucune alternative n’est disponible.
La Fédération des Industries Mécaniques (FIM) promeut un renforcement continu de la protection de la santé humaine et de l’environnement par la substitution des substances chimiques présentant des risques par des alternatives plus sûres. La FIM estime que les évolutions régulières des différentes réglementations applicables aux substances, qu’elles soient utilisées dans des processus de fabrication ou présentes dans des produits manufacturés, doivent garantir voire améliorer la compétitivité des entreprises et l’innovation. Il est essentiel pour y parvenir que ces évolutions tiennent compte des alternatives disponibles, de la capacité des industries utilisatrices à adapter leurs pratiques et soient établies en cohérence avec les différentes réglementations applicables à un même produit. Cela est particulièrement crucial dans le domaine de l’économie circulaire qui amène à interroger les conditions de valorisation des déchets qui contiennent des substances réglementées. De même, il est nécessaire de veiller à prévenir les substitutions de substances soumises à restriction par des alternatives présentant des risques similaires voire supérieurs. Le 13 janvier 2023, l’Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas, la Norvège et la Suède ont déposé un dossier de restriction de l’ensemble des PFAS dans le cadre du règlement REACH en raison, en particulier, de la persistance de ces substances dans l’environnement. Cette restriction est susceptible de couvrir jusqu’à 10 000 substances regroupées dans la définition proposée des PFAS, présentes dans de très nombreuses applications industrielles et produits manufacturés destinés aux consommateurs ou aux professionnels.
Dans ce contexte, la FIM souhaite attirer l’attention de l’administration sur les considérations suivantes. Celles-ci nous paraissent essentielles à l’élaboration d’une restriction qui contribue à une meilleure protection de la santé humaine et de l’environnement, soit proportionnée entre les coûts imposés aux acteurs économiques et les bénéfices attendus et puisse être effectivement appliquée sur le territoire européen.
L’identification exhaustive des utilisations de PFAS, des alternatives potentielles et des impacts socio-économiques est quasiment impossible pour les utilisateurs en aval
Les industriels du secteur de la mécanique conçoivent, fabriquent, commercialisent et maintiennent des produits complexes (équipements de production, sous-ensembles mécaniques, etc.). Les metteurs sur le marché de produits chimiques se situent généralement très en amont de la chaîne de valeur et seules les informations relatives à la présence de substances réglementées sont transmises en aval (au travers des FDS ou de la déclaration des substances inscrites à la liste candidate du règlement REACH). La quasi-totalité des PFAS couverts par ce projet de restriction n’étant pas réglementées à ce jour, les industriels de notre secteur ne sont pas systématiquement informés de la présence de PFAS dans les composants ou consommables qu’ils acquièrent.
Nous avons mené depuis 2021 avec le CETIM, notre centre technique sectoriel, un travail d’évaluation des PFAS utilisés dans notre secteur[1]. Ces travaux ont été menés sur la base des publications scientifiques disponibles et pertinentes puis
poursuivis avec nos adhérents. Néanmoins, nous ne pouvons pas garantir avec certitude que l’ensemble des utilisations de PFAS dans notre secteur ont effectivement été identifiées. A fortiori, l’évaluation précise des incidences socio-économiques de ce projet de restriction est particulièrement difficile à réaliser dans les délais de la consultation publique.
Commentaires sur les émissions et les utilisations de PFAS
Cette proposition de restriction ne distingue pas les sources d’émissions de PFAS dans l’environnement
Nous tenons à souligner que les émissions de PFAS dans l’environnement dépendent très largement des activités de production de ces composés et, dans une moindre mesure, du traitement des déchets issus des produits manufacturés qui en contiennent. Les émissions de PFAS liées à l’industrie manufacturière ou à la phase d’utilisation des produits concernent un nombre très limité d’applications (voir en ce sens le dossier de restriction mis en consultation et le rapport du CETIM sur les utilisations de PFAS dans le secteur de la mécanique). La proposition de restriction générale des PFAS s’applique uniformément à l’ensemble des acteurs économiques, indépendamment des émissions de PFAS qui sont effectivement liées à leurs processus industriels ou aux produits qu’ils commercialisent.
A titre d’exemple, la très faible participation aux émissions de PFAS des produits manufacturés tels que les PTFE au cours de leur utilisation est notamment démontrée au travers des conformités aux règlements (UE) 10/2011 et (CE) 1935/2004 ainsi qu’à la Fiche MCDA n°1 (V02- 01/04/2017) exigées pour l’utilisation en contact avec les aliments qui exigent pour ces matériaux une migration inférieure à 50 ppb en Tetrafluoroéthylène. C’est sur la base de ces résultats qu’une première exemption de 6,5 ans a été proposée pour les matériaux en contact avec les denrées alimentaires à des fins de production industrielle et professionnelle.
Les PFAS sont notamment utilisés pour des raisons de sécurité et de durabilité des produits
Compte tenu de leurs propriétés particulières de résistance aux températures extrêmes, aux environnements agressifs, à la corrosion et à l’abrasion, antiadhésives, lipophobes et hydrophobes, les PFAS sont notamment utilisés pour accroître la sécurité et la durabilité des produits. Cela concerne des équipements professionnels devant garantir la sécurité des opérateurs (par exemples des machines industrielles), des sous-ensembles ou composants mécaniques utilisés dans des produits finis et faisant l’objet d’une qualification spécifique (automobile, énergie, aérospatial, etc.) ou dans de nombreux produits afin d’en allonger la durée de vie. Par exemple, le PTFE est notamment utilisé dans le domaine de l’étanchéité pour réduire ou limiter les émissions fugitives de substances nocives dans l’atmosphère ou l’eau (étanchéité des vannes ou pompes utilisées dans les centrales nucléaires ou d’autres secteurs utilisateurs).
Commentaires sur le projet de restriction
Le projet de restriction n’intègre pas les principes de l’économie circulaire
De nombreux équipements mécaniques se caractérisent par une durée de vie longue, le recours généralisé à des opérations de maintenance ou de réparation et une forte capacité à être réemployés ou réutilisés. Par ailleurs, notre secteur fait l’objet d’exigences croissantes sur l’incorporation de matières recyclées, la réparabilité, la mise à disposition de pièces détachées et le remanufacturage. Ce projet de restriction ne comporte pas de dérogation permettant de réutiliser ou de maintenir en utilisation des produits qui auraient été mis sur le marché avant son entrée en vigueur ni d’incorporer des matières recyclées issues de ces produits. A titre d’exemple, la directive RoHS[1] a introduit un délai de mise en œuvre supplémentaire de 10 ans pour les pièces détachées destinés à la réparation, au réemploi, à la mise à jour des fonctionnalités ou au renforcement de la capacité des équipements.
De nombreuses utilisations, pour lesquelles aucune solution de substitution n’est disponible, ne sont pas couvertes par des propositions de dérogation
De nombreuses utilisations de PFAS dans notre secteur ne sont pas couvertes par des propositions de dérogations, y compris lorsqu’aucune alternative n’existe. Par exemple pour les composants mécaniques dans les applications en frottement, les gaz fluorés, les produits en contact avec l’eau potable ou destinés à être installés sur les réseaux d’eau, les articles culinaires ou dans le domaine de l’étanchéité. Nous poursuivons l’analyse des incidences de ce dossier de restriction pour les entreprises de notre secteur afin d’évaluer les dérogations qui sembleraient nécessaires à la poursuite de leurs activités.
Incohérence avec la réglementation F-gaz
La réglementation F-gaz prévoit la suppression progressive de certains gaz fluorés à fort potentiel de réchauffement global (GWP) par des alternatives dont le GWP est plus faible. La définition retenue des PFAS s’applique notamment aux HFO et HFC[1], qui constituent l’alternative à certains gaz fluorés interdits ou en passe de l’être conformément à la réglementation F-gaz. Les seules alternatives connues sont le CO2 et le propane, dont la mise en œuvre dans les installations est techniquement impossible ou fait naître des risques significatifs pour les installations et les utilisateurs (pression plus élevée ou inflammabilité).
Les solutions de substitution doivent être évaluées au cas par cas
Les solutions de substitution doivent être évaluées au cas par cas selon les différents produits finis qui contiennent des PFAS. Si de nombreuses substances sont présentées dans le dossier de restriction ou les publications scientifiques comme ayant des fonctionnalités similaires aux PFAS, celles-ci ne tiennent généralement pas compte des contraintes spécifiques aux différents produits, présentent des propriétés inférieures et ne remplacent pas l’ensemble des propriétés recherchées des PFAS. Le remplacement par des alternatives aux PFAS, si elles existent, entraînerait également une phase de renouvellement des qualifications du matériel dans les secteurs sensibles (homologations agroalimentaire, nucléaire, chimie, etc.).
Par ailleurs, la substitution des PFAS est plus facilement envisageable, à plus ou moins long terme, pour les produits qui requièrent une voire deux des nombreuses propriétés des PFAS. Les applications nécessitant une combinaison de leurs propriétés ne semblent pas substituables.
Une surveillance de marché adaptée est cruciale
Au regard des impacts particulièrement élevés qu’aura cette restriction sur les opérateurs économiques, en particulier européens, une surveillance du marché effective et adaptée sera indispensable pour garantir la mise en œuvre de cette mesure ainsi qu’une concurrence loyale entre les entreprises situées sur le territoire de l’Union européenne ou en dehors. Nous nous interrogeons sur la capacité des organismes de contrôles à évaluer la présence des nombreux PFAS dans des produits importés, a fortiori dans des produits complexes et destinés à des clients professionnels. Notre secteur étant particulièrement exposé au commerce international, ces contrôles seront indispensables pour ne pas pénaliser les entreprises européennes.
L’objectif recherché par ce projet de restriction pourrait être atteint par une combinaison de mesures plutôt que par une interdiction générale
Les industriels de notre secteur partagent la volonté d’encadrer efficacement les risques que présentent les PFAS pour la santé humaine et l’environnement. Cependant, une interdiction générale telle que proposée semble présenter des risques socio-économiques considérables ainsi que des difficultés de mise en application non anticipées. Il nous semble que l’objectif porté par cette proposition de restriction pourrait être atteint par l’amélioration des connaissances sur les utilisations et émissions des PFAS dans les différents produits et procédés industriels, la restriction des usages les plus émetteurs et le renforcement des exigences sur les émissions de PFAS par les sites industriels ou lors du traitement de déchets qui en contiennent. Une combinaison de ces mesures et leur évolution dans le temps seraient à même de minimiser les conséquences socio-économiques de la restriction proposée tout en garantissant un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement.
Conclusion
Pour l’ensemble de ces raisons, nous appelons de nos vœux l’introduction des évolutions suivantes au projet de restriction :
- Une dérogation générale pour les pièces détachées ou composants nécessaires à la réparation, au réemploi, à la mise à jour des fonctionnalités ou au renforcement de la capacité des produits mis sur le marché avant l’entrée en vigueur de cette restriction ou couverts par une dérogation.
- Une dérogation pour la présence de PFAS dans les matières recyclées, notamment pour les produits ne présentant pas de risque d’émission de PFAS dans l’environnement au cours de leur utilisation.
- L’exclusion des fluoropolymères du champ d’application de cette restriction, ces substances ne présentant pas un niveau de risque significatif.
- Une dérogation pour la présence et l’utilisation de HFO et de HFC dans les fluides frigorigènes utilisés pour des applications de froid alimentaire professionnel et les engins mobiles non routiers.
- Une dérogation d’une durée de 12 ans pour les PFAS présents dans les ustensiles de cuisine et de cuisson, y compris les produits professionnels et non professionnels (en complément de l’exclusion des fluoropolymères).
- Des délais de mise en œuvre suffisants pour les produits professionnels, afin de tenir compte de la durée des processus de re-conception complets des produits qui pourraient être rendus nécessaires par l’application de cette restriction. Ces processus peuvent être particulièrement longs entre la phase de validation d’une substance de substitution, lorsque celle-ci est disponible, son intégration dans la conception d’un nouveau produit, la vérification des performances de ce produit sur prototype, la validation et l’homologation du produit par les clients puis l’industrialisation du processus de fabrication.
- L’introduction d’un mécanisme de revoyure des dérogations qui seront accordées afin de pouvoir les prolonger lorsqu’aucune solution de substitution adaptée n’a été rendue disponible au terme du délai fixé.
[1] Etude du CETIM sur les utilisations de PFAS dans le secteur de la mécanique, avril 2022, à cette adresse.
[2] Directive 2011/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 relative à la limitation de l’utilisation de certaines substances dangereuses dans les équipements électriques et électroniques
[3] HydroFluoro-Oléfines (HFO) et Hydrofluorocarbure (HFC). Au titre de la règlementation F-gaz, les mélanges contenant des HFC et des HFO sont considérés comme des HFC. Exemples de HFO et HFC répondant à la définition de PFAS : R134a, R1234yf, R448A, R449A, R452A, R454C et R455A
A télécharger
2023-09-15 Position FIM - Projet de restriction des PFAS.pdf
Contact
Arthur VANDENBERGHE - avandenberghe@fimeca.org